Texte adopté par le Congrès fondateur réuni à Ornacieux-Balbins le 29 mars 2024
Le syndicat, outil essentiel de défense des travailleurs et travailleuses et de renversement du capitalisme
Bien avant que la loi, en 1884 n’autorise les travailleurs et travailleuses à s’unir et à s’organiser pour défendre leurs intérêts, les ouvriers et ouvrières avaient compris que la solidarité organisée était leur seule arme pour lutter contre les ravages de l’exploitation capitaliste qui s’était généralisée au 19ème siècle. Chambres syndicales, sociétés de secours mutuels, caisses de grève et de solidarité n’avaient pas attendu d’être légalisées pour exister, d’autant que la loi qui les rendra légales en 1884 avait avant tout pour fonction, aux yeux des dirigeants de l’époque, de canaliser et de « pacifier » la société à une époque où grèves et remise en cause du capitalisme, qui avaient culminé en France avec la Commune, se développaient.
Depuis cette époque fondatrice dans la lutte des classes, le syndicalisme des débuts a bien changé. 1
« Les syndicats », à mesure que la classe ouvrière a conquis des droits sociaux tout au long du 20ème siècle, ont été progressivement intégrés à l’État via le paritarisme et la cogestion avec le patronat des organismes sociaux et des droits acquis. Ressources liées à la formation, décharges pour temps syndical, mandats rémunérés dans les instances du « dialogue social », toutes ces ressources accordées par l’État ont eu un coût non chiffrable en termes d’autonomie de la classe des exploité·e·s. Autonomie de lutte, de décision, de réflexion.
A mesure que le syndicalisme est entré dans les instances que lui a ouvert l’État, l’action syndicale a connu une coupure de plus en plus grande entre la base des syndiqué·e·s et des directions syndicales de plus en plus éloignées des réalités de l’exploitation. Et des bureaucraties parlant de plus en plus le langage de l’expertise et de moins en moins le langage de la lutte des classes.
Cela explique en partie l’éloignement de plus en plus marqué des travailleurs et travailleuses vis-à-vis des organisations syndicales. Les syndicats, pour ainsi dire, n’ont plus besoin pour exister de sections syndicales et d’une base militante ; il leur arrive même souvent de les combattre. De bons scores aux élections professionnelles leur suffisent pour perdurer et perpétuer l’organisation.
Cette évolution (qui ne signifie pas qu’il ne reste pas de sections syndicales et des syndicats militants) est très grave, car elle prive les exploité·e·s d’un outil essentiel à leur défense quotidienne et d’une organisation indispensable à leur existence en tant que classe face à une classe capitaliste aussi arrogante et brutale que celle du 19ème siècle.
Le syndicat reste à nos yeux un outil indispensable pour mener la lutte des classes car, pour nous, il représente :
- Une organisation où les exploité·e·s, les travailleurs et travailleuses, avec ou sans emploi, se reconnaissent égaux sur la base de leur appartenance à la même classe et de leur combat commun contre la classe capitaliste. Et ceci au-delà des divisions et hiérarchisations professionnelles, catégorielles, imposées par la division du travail capitaliste et qu’ils et elles font le choix d’abolir dans l’organisation qu’ils et elles se sont donnée.
En cela, le syndicat se distingue de l’organisation politique partidaire qui réunit ses membres sur la base d’un programme et d’une idéologie et non sur la base matérielle de l’appartenance de classe.
- Une organisation qui relie combat quotidien pour les droits et objectif de renversement de la société capitaliste. Pour cela, les revendications portées dans les luttes, de la plus restreinte à la plus large, ne doivent jamais entrer en contradiction avec l’objectif qui nous guide, la boussole, notre volonté de remplacer la société capitaliste par une société affranchie de l’exploitation et de la hiérarchie sociale. C’est tout le sens par exemple, de revendiquer, dans le privé comme dans le public, la titularisation immédiate et sans condition de tous les travailleurs et toutes les travailleuses précaires. Alors que toutes les revendications qui se limitent à des aménagements des contrats précaires existant ne font que les perpétuer et ne font que proroger la division entre précaires et titulaires, cette revendication unit les travailleurs et travailleuses et affirme l’égalité qu’ils et elles reconnaissent entre eux et elles.
- Une organisation qui ne reproduit pas le schéma hiérarchique des représentant·e·s, autonomes dans leurs décisions et des représenté·e·s, soumis·e·s à leur expertise. Le mandat est la base de ce fonctionnement qui n’autorise pas la constitution d’une hiérarchie en son sein. Il est donné par le collectif syndical des adhérents et adhérentes, réuni pour cela en AG régulières, et révocable par ce même collectif.
- Une organisation qui refuse la hiérarchie des tâches et des fonctions instaurée partout ailleurs. Il n’y a pas de tâches nobles et d’autres secondaires, toutes sont indispensables à la vie du syndicat et d’égale dignité à ce titre. De la même façon que nous ne reconnaissons pas la hiérarchie des emplois et des statuts dans la division du travail capitaliste, nous refusons toute inégalité de fonctions au sein du syndicat. Nous ne connaissons que des mandats donnés par le collectif syndical.
- Une organisation qui mène au quotidien, comme dans les moments de large mobilisation, la lutte des classes. La période récente a connu de fortes mobilisations de contestation de l’ordre existant en France. Pourtant, force est de constater qu’une fois la mobilisation réprimée et passée, l’organisation fait défaut pour maintenir et renforcer les liens tissés dans la lutte, permettant ainsi solidarité quotidienne autant qu’élaboration collective pour les luttes à venir.
Pourquoi un syndicat Lutte Des Classes dans l’éducation ?
Nous avons milité, depuis plus de 20 ans pour certains et certaines, à SUD éducation.
Le secteur de l’Éducation était syndicalement coupé du reste du monde du travail depuis 1947 et la création d’une fédération syndicale autonome de l’éducation (alors que les enseignants et enseignantes qui avaient lutté et obtenu le droit de former des syndicats auparavant s’étaient battu-es pour être intégré-es aux Bourses du Travail avec les autres secteurs professionnels).
Quand les syndicats SUD se sont créés dans les années 1990, cela a été l’occasion de rompre avec cet isolement qui ne pouvait qu’encourager le corporatisme et l’éloignement vis-à-vis des autres travailleurs et travailleuses. Nous avons milité au sein de l’union Solidaires pour que l’interprofessionnel ne soit pas une incantation mais une réalité.
Cependant, la fédération SUD éducation a progressivement abandonné ce primat de l’interprofessionnel en même temps qu’elle se bureaucratisait. Cela nous a conduit à la quitter et à quitter ainsi l’union syndicale Solidaires.
Affirmer la primauté de la lutte des classes devrait nous conduire à ne plus nous organiser en secteur professionnel. Nous devrions nous organiser dans la lignée des éphémères Bourses du Travail et de leur fédération, qui ont existé avant même la création de la CGT et qui réunissaient dans un même lieu tous les travailleurs et toutes les travailleuses. Elles étaient aussi bien des lieux d’organisation de la solidarité et de la lutte que des lieux de formation par et pour les travailleurs et travailleuses.
Nous n’en sommes pour l’instant pas en capacité et il faudrait pour cela convaincre des camarades d’autres organisations de nous rejoindre ou de l’initier avec nous.
Cependant, nous voulons et pensons pouvoir conjuguer défense des travailleurs et travailleuses de l’éducation et primauté de l’interprofessionnel à la base.
Cela signifie que nos revendications et nos positions partent d’un point de vue de classe et non catégoriel. Nous ne défendrons pas les camarades sur la base d’une identité et d’intérêts catégoriels mais sur la base des intérêts de la classe.
Notre perception de l’école de l’État dite école publique s’ancre aussi dans ce point de vue de classe.
Nous affirmons que son statut public ne suffit pas à lui conférer une vertu émancipatrice. Elle est marquée, avant toute chose, par le rôle de reproduction des classes sociales et de légitimation de la hiérarchie de classe en particulier en raison de l’idéologie du mérite individuel qui est sa matrice et qu’elle diffuse.
C’est donc en tant que travailleurs et travailleuses de l’éducation, œuvrant à combattre et subvertir ce travail de reproduction sociale et à lutter pour sa mise au service des travailleurs et travailleuses et non du patronat que nous nous définissons.
L’éducation est un champ privilégié de lutte des classes, à condition d’en être conscient et de se positionner dans le camp des travailleurs et travailleuses. Le syndicat est l’outil qui permet la conscience de cet état de fait et sa mise en œuvre pratique.
Une autre école dans une autre société,
Une autre société pour une autre école.
La motion du Congrès d’Amiens de la CGT de 1906 (seul syndicat à l’époque) plus connu sous l’appellation « Charte d’Amiens » , affirmait que la CGT militait pour l’abolition du salariat. Et c’était déjà un texte de compromis par rapport à une tendance réformiste, soutenue par les militants du parti socialiste (SFIO). ↩︎