Manifeste de l’Union des syndicats Lutte De Classes

Texte adopté par le Congrès fondateur réuni à Ornacieux-Balbins le 29 mars 2024

Les syndicats signataires de ce manifeste du syndicalisme de lutte de classes inscrivent leurs orientations et leurs pratiques dans la continuité historique du syndicalisme autonome, internationaliste et révolutionnaire à la base, dans le cadre de la lutte de classes et des principes affirmés par la Charte d’Amiens1. Sur le terrain socio-économique, la lutte de classes oppose la classe capitaliste ou bourgeoise à la classe ouvrière ou prolétaire. Les membres de cette union de fait sont des syndicats de lutte et de classe, celle des travailleuses et travailleurs n’ayant que leur force de travail pour subsister (avec ou sans emploi, mais devant travailler pour vivre). Leurs orientations et leurs pratiques sont :

– unitaires, par la conscience de classe et les combats à mener ;

– démocratiques par le respect des décisions prises en commun ;

– solidaires de toutes les luttes menées contre l’exploitation, l’appropriation, l’oppression et la précarisation.

Il s’agit concrètement de s’organiser et de lutter pour ne plus subir sur nos lieux de travail. Les signataires de ce manifeste considèrent que le syndicalisme constitue une des bases d’organisation pour faire advenir une société égalitaire de faits et de droit pour toutes et tous : il doit permettre d’expérimenter tant syndicalement que socialement et politiquement ce qu’elle pourrait être. La grève est le moyen privilégié de la lutte. C’est à la base de décider de sa construction et de sa temporalité.

1- Pour un syndicalisme de lutte de classes

Les syndicats de lutte de classes considèrent que l’émancipation et la justice sociale sont entravées par la classe dominante qui, s’accaparant les pouvoirs de décisions, les richesses et les moyens de production, entrave l’émancipation et la justice sociale. Les syndicats signataires du manifeste ont pour objectifs l’égalité de fait et de droit sur les plans économique, politique et social, par l’abolition de la classe dominante et de toutes les formes d’exploitation et d’oppression associées.

2- Pour un syndicalisme de révolution sociale

Les syndicats de lutte de classes luttent contre le projet capitaliste subi année après année. Pour cela, notre Union s’impliquera au niveau interprofessionnel pour une socialisation des services et moyens de production.

Les syndicats de lutte de classes défendent la démocratie à la base avec des instances collectives et horizontales, comme les assemblées générales décisionnelles des mobilisations sociales. Ils se considèrent héritiers des Bourses du travail revendiquées à l’origine par le mouvement ouvrier, outils des travailleuses et travailleurs pour contrôler directement leurs activités, leur formation, leur accès à la culture.

Les syndicats signataires revendiquent une réduction drastique du temps de travail. Ceci libérera du temps pour pouvoir participer aux débats et décisions collectives et faciliter l’émancipation individuelle et collective.

Les syndicats signataires revendiquent un statut sans hiérarchie, ni entre les personnels ni entre les salaires, ni explicite ni implicite.

3- Pour un syndicalisme anti-hiérarchique

Une des constructions systémiques les plus évidentes est la structuration hiérarchique des organisations humaines, qui se présente comme incontournable. Cette pyramide, dans un même mouvement, déresponsabilise, cloisonne, accapare le possible et engendre toutes sortes de pressions sociales. C’est pour cela que les syndicats de lutte de classes se revendiquent comme anti-hiérarchiques ; ils poussent à la mobilisation contre le management, contre les dits « supérieurs hiérarchiques » et pour une rotation et répartition des tâches égalitaires et émancipatrices avec des mandats tournants et révocables. Les syndicats de lutte de classes ont pour objectif, dans le monde du travail, d’instaurer la démocratie avec un objectif auto-gestionnaire. Une des modalités est de partager l’expérience et les savoirs pour supprimer l’emprise de l’expertise dans l’organisation du travail, ce qui permet également d’éviter la bureaucratisation.

4- Pour un syndicalisme anti-oppressions

Dans un projet d’émancipation, les syndicats signataires de ce manifeste défendent les principes de liberté et d’égalité de droit et de fait, celles-ci étant comprises dans leurs dimensions collectives et comme absence de domination. Pour se tenir à l’écart de l’enfermement dans une identité, nous combattons sur nos lieux de travail le fait que des personnes soient assignées à une appartenance communautaire ou à des caractéristiques : sociales, religieuses, nationales, ethniques, de genres ou d’orientations sexuelles.

Les syndicats signataires, résolument anti-sexistes et anti-racistes, considèrent que les luttes contre toutes les formes d’oppression sont des composantes nécessaires pour une révolution sociale, dans le cadre de la lutte des classes.

5 Pour un syndicalisme écologiste

Convaincus que l’accaparement des richesses par la classe dominante passe par l’exploitation des humains et le pillage de la nature, les syndicats de lutte de classes estiment que la défense des droits et intérêts des travailleuses et travailleurs s’articulent forcément à la lutte contre la destruction du vivant.

6- Pour un syndicalisme cyberminimaliste

Le capitalisme s’appuie aujourd’hui, mais depuis longtemps déjà, sur des mécanismes de vol, de détournement des richesses produites et sur l’alliance état-capitalisme-industrie-finance qui nous dépossède de nos conditions d’existence. Son dernier avatar, et non des moindres, est le numérique. La numérisation galopante de tous les services publics et de la société en général est désormais l’un des outils du néo-management et des hiérarchies, conduisant notamment à détruire les emplois. C’est avec l’aide du numérique notamment que s’instaurent les évaluations, la manipulation de masse, le contrôle permanent et une normalisation brutale des pratiques amenant ainsi les services publics à fonctionner de plus en plus comme une entreprise privée.

De plus, conscients des impacts des technologies numériques et des dégâts liés à l’utilisation massive des écrans et des outils cybernétiques (« réseaux sociaux » par exemple) mis en place par des multinationales, les syndicats de lutte de classes entendent développer les moyens les plus autogestionnaires et émancipateurs possibles, comme la discussion autour d’une table et/ou d’un verre !

————————————————-

————————————————-

Bien que les objectifs des syndicats signataires de ce manifeste soient très sérieux, ces syndicats entendent user de l’humour, comme une politesse, en interne de leurs organisations, comme en externe. L’humour est une arme en même temps qu’un moyen de réflexion et de prise de distance indispensable.

1« Reconnaissant la Lutte de classe, la Charte d’Amiens assigne au syndicalisme un double objectif (« double besogne ») : la défense des revendications immédiates et quotidiennes des travailleur·ses, et la lutte pour une transformation d’ensemble de la société « par l’expropriation capitaliste ». Elle affirme une indépendance tranchée vis-à-vis des partis politiques et de l’État, le syndicalisme se suffisant à lui-même. Par ailleurs, elle « préconise comme moyen d’action la grève générale et […] considère que le syndicat, aujourd’hui groupement de résistance, sera, dans l’avenir, le groupement de production et de répartition, base de réorganisation sociale ».