Depuis un certain nombre d’années déjà, les luttes sociales, politiques et syndicales sont de plus en plus axées autour de la défense de valeurs telles que l’anti-fascisme, l’anti-racisme, l’anti-sexisme, l’anti-homophobie, … Comment être contre de telles valeurs ?
Nous partageons évidemment ces combats ! Mais cette référence constante et première à ces valeurs pose pour nous de très sérieux problèmes et nous paraît même hautement contre-productive.
1 – Outre que cette transformation des luttes notamment syndicales résulte probablement et malheureusement de l’absence de perspective victorieuse dans les luttes passées et de l’acceptation cachée de cette situation d’impuissance, elle sert d’abord et en conséquence à masquer la vacuité programmatique et idéologique des syndicats « de gauche ».
2 – Cette moralisation des luttes reflète un entre-soi typique des classes favorisées culturellement et socialement : elle s’effectue au détriment de la prise en considération des intérêts et de la parole des individus ou collectifs qui n’appartiennent pas au même champ social et culturel, qui ne disposent pas des codes de ce cadre militant et qui sont accusés ou soupçonnés de ne pas en partager suffisamment lesdites valeurs.
3 – Ces luttes identitaires font non seulement obstacle à la création d’un véritable front populaire, mais elles sont également soluble dans le néo-libéralisme avec lequel elles s’accommodent assez facilement, tout en s’affirmant révolutionnaires.
Ainsi, l’usage fait aujourd’hui dans les milieux militants de la théorie de l’intersectionnalité, fructueuse et intéressante sur un plan théorique, est grandement problématique : en se focalisant sur la construction des identités par différents systèmes de domination ou d’oppression, il réduit précisément chacun-e à ses identités singulières fragmentées à travers le prisme des différentes dominations (d’ethnie, de religion, d’orientation sexuelle, de sexe, de genre, etc.), si bien que cette théorie devient en pratique un discours centré sur l’individu ou des groupes d’individus subissant le même type de discrimination, remisant au second plan la possibilité même d’une lutte commune à toutes et tous, y compris ceux et celles qui ne subissent pas le même type de domination, et centrant toute lutte sur les revendications des individus ou des groupes discriminés. Cet usage est ainsi compatible avec le cadre philosophique du libéralisme qui affirme l’antériorité et la primauté de l’individu, de ses désirs et intérêts, sur la société.
4 – Pire ! Les mouvements contestataires sont ainsi neutralisés et la question sociale remplacée par celle de l’identité, donnant chaque fois un peu plus de grain à moudre à l’extrême-droite qui l’a bien compris : si la gauche « révolutionnaire » s’allie malgré elle à la classe dirigeante en se trompant de combat, que reste-t-il d’autre à tous les exploités pour espérer sortir de ce marasme ? En s’insurgeant contre les luttes identitaires et en leurrant son monde sur la question sociale, c’est ainsi toujours l’extrême-droite qui récupère les marrons du feu.
Face à l’idéologie néolibérale de la « diversité » qui occulte les inégalités économiques, face à l’inexorable montée de l’extrême-droite partout en Europe et ailleurs dans le monde, SUR LdC, solidaire de toutes les luttes anti-fascistes, anti-racistes, anti-sexistes, anti-homophobes, … invite néanmoins à dépasser le narcissisme des différences pour réinvestir le terrain sur lequel l’humanité a tout à gagner : la lutte de classes contre le capitalisme.